mardi 29 mai 2012

La génération X et le conflit social.


Ce matin en me levant, je fais ma revue de presse comme – presque – toujours, un peu via Facebook, je m’en confesse. J’ai eu mes retrouvailles de 25 ans après ma graduation de la polyvalente cette fin de semaine. Le mélange des nouvelles et de mes discussions de la fin de semaine m’ont donné le goût d’écrire aujourd’hui.

Comme vous avez sans doute pu le déduire, j’ai 42 ans. Je suis ingénieur, j’ai mon entreprise, je suis père de famille et j’ai eu l’occasion de travailler à l’étranger à quelques reprises. Disons seulement que je ne suis pas l’archétype d’un gauchiste-hippie- va-donc-te-faire-couper-les-cheveux-le-pouilleux-les-BS-s’y-veulent-de-l’argent-qu’y-fassent-comme-moué-pis-qu’y-travaillent-crisse (pour paraphraser Elvis Gratton). Malgré tout ça, j’ai envie de parler de ce qui se passe en ce moment, et de ce que ça me fait vivre.

À mon âge, je fais  partie de la génération X. Pas LES X mais la génération X. Pour ceux qui l’ignorent, le X signifiait à l’époque une génération sans nom, qui serait oubliée, que la société a abandonnée à eux même, ce qui n’est pas une première dans l’histoire. Je dis généralement que nous avons été élevés comme des baby-boomers mais qu’au moment de nos études ou de notre arrivée sur le marché du travail, ce beau rêve s’est effondré. Finies les jobs au gouvernement avec un bac. en histoire ou en socio, fini la grosse job de col bleu avec un secondaire 2 en poche. Que nous est-il donc arrivé par la suite ? Un épouvantable traumatisme collectif qui nous a fait nous cacher dans notre coin, sans plus vouloir en sortir. Chez ceux qui sont moins diplômés, ça a créé ceux qu’on appelle les WAYM (White Angry Young Men) qui carburent à la démagogie du type ADQ-CAQ et la base du fidèle public de la radio parlée de Québec.

Mon ami Tuan me faisait remarquer que lorsque nous étions aux études, nous aussi les frais de scolarité ont augmenté considérablement (je crois qu’il a plutôt parlé de quadrupler). C’est sans compter les passes que nous nous sommes fait faire par le régime de prêts et bourses. Qu’avons-nous fait ? Rien, bien sûr. Nous sommes restés sur notre jambon, à subir, notre traumatisme collectif nous rendant allergiques à la mobilisation et au militantisme… et qu’arrive-t-il quand on ne fait rien en démocratie ? Eh ben on finit par se faire fourrer, et c’est ce qui nous est arrivé.

Mais parlons un peu des prêts et bourses et de la grave iniquité qu’ils créent. Aujourd’hui, environ 90% de la population est urbaine. Le premier, j’habite aujourd’hui Montréal. Je pourrais habiter Québec ou Sherbrooke comme beaucoup de mes vieux potes de la polyvalente que ce serait pareil. Mais je viens de la campagne. Non, pas de Québec, d’une petite ville ni d’un village. Je viens d’un rang. Mon père avait une terre et l’argent ne lui sortait pas par les oreilles. Pour étudier, j’ai donc du m’exiler, comme tant d’autres.

La plupart de mes anciens potes de la polyvalente ont eu recours comme moi au régime des prêts et bourses. En clair, ça signifie qu’à la fin de nos études nous avions des dettes d’entre 15 et 25 000 $. C’est peu me direz vous, comparé aux 40-50 000 $ d’aujourd’hui ? Effectivement, mais souvenez vous que nous payions environ 9 % d’intérêt à l’époque et, comme je l’ai mentionné plus tôt, le marché de l’emploi s’est fermé devant nous. Ainsi, bon nombre d’entre nous nous sommes retrouvés avec des paiements de 4-500 $ par mois, en gagnant 20 000 $ par an en travaillant à des jobines. Assez ordinaire comme début de la vie adulte. Sentiment d’injustice, traumatisme intergénérationnel renforcé. Pour en remettre, c’est aussi à cette époque que nous avons vu l’apparition des clauses « orphelin » dans les conventions collectives et je pourrais continuer longtemps comme ça.

Mais surtout, j’ai connu des gens qui viennent par exemple de Longueuil et qui ont fait leurs études à Montréal, en habitant chez leurs parents. Ils n’avaient pas ce boulet, eux, en entrant sur le marché du travail. Généralement aussi, ils se sont « établis » beaucoup plus rapidement. À mon avis, ce boulet des prêts est la pire chose qu’on peut faire à quelqu’un qui commence dans la vie.

Alors quand j’entends des propositions comme la fameuse histoire du remboursement proportionnel aux revenus bla bla bla, ça me glace un peu le sang tout ça. Pour moi, le meilleur remboursement des services reçus par l’état s’appelle l’impôt sur le revenu. Point. Croyez-moi j’en ai payé beaucoup, j’en paye beaucoup et j’ai encore l’intention d’en payer beaucoup de l’impôt. Vous savez quoi ? ça me fait plaisir d’en payer. Pourquoi ? parce que c’est ça le deal au Québec, on s’entraide, on a des services et on paye tous pour selon notre capacité.

Pourquoi est-ce que je vous raconte tout ça ? Comme vous je vois l’actualité. Beaucoup de gens de ma génération, de leur petit confort chèrement acquis regardent ce qui se passe et ont succombé à l’argumentaire du Journal de Montréal et autres et je me dis : « Non ». Les gens dans la rue ne font que ce que nous n’avons pas eu le courage de faire. Quelque chose qui aurait du être fait depuis longtemps, se battre pour rendre les études supérieures à tous, peu importe leur origine, c’est ça – me faisait remarque mon ami Patrick –le deal au Québec aussi depuis 50 ans.

Le Québec est endetté ? Nous sommes en déficit ? Pourquoi avez-vous autant baissé les impôts alors ? Pour être bien certains que la génération qui me précède n’aura jamais payé pleinement pour les services qu’elle a reçu – souvenez-vous des années où les déficits était permanents – et qu’ils continueront à recevoir des services de l’état pendant encore plusieurs années, sur le dos des plus jeunes, et s’assurent que la caisse sera bien vide après eux.

Je vois les jeunes dans la rue et je leur dis « Bravo ! » battez-vous pour un monde meilleur, nous, on ne l’a pas fait. Nous devons cesser cette politique de la tarification des service de l’état qui est ni plus, ni moins, qu’une « Flat Tax » déguisée pendant qu’on baisse les impôts. L’impôt sur le revenu est et devrait continuer d’être la principale mesure de financement des services publics, qui eux devraient être universels. Depuis trop longtemps cette démarche d’anti-Robin-des-Bois est en marche. La « juste part » de Raymond Bachand devrait plutôt s’appeler l’ « injuste part ». La juste part, c’est quand les services de l’état sont vraiment universels et financés par un impôt progressif.

Continuez de vous battre, les casseroles viendront à bout du régime. En tous cas, je l’espère, j’en rêve.

L'ingénieur,
Yanick Vaillancourt