lundi 11 juin 2012

Le choc des générations


Dans un article précédent, je vous ai parlé des difficultés de commencer dans la vie quand on est un membre de la génération X. Il semble que le sujet touche une corde très très sensible chez tout le monde.

Les manifestations quotidiennes et l’attitude du gouvernement ont réveillé la génération des jeunes, qui votaient très peu. Ma génération, la génération X a eu deux réactions. La première, plus viscérale est de critiquer, critiquer et critiquer, sans trop savoir pourquoi, reste de traumatisme collectif de cette génération sciemment laissée de côté qui a du se débrouiller seule. La deuxième réaction, la mienne, a été de se sentir interpellé par ce soulèvement Enfin, quelqu’un fait quelque chose face aux injustices croissantes, fait ce que nous n’avons pas su faire, fait ce que nous aurions du faire.

Quant aux Baby-Boomers, ils croient, comme d’habitude, que tout leur est du, qu’ils ont inventé le bouton à quatre trous, la roue et le feu; que le monde avant eux n’était que noirceur et qu’après eux personne ne pourra jamais plus gérer les choses aussi bien qu’eux. J’exagère je sais, mais avouez que ça fait quand même sourire. Je nuancerai plus loin. Ils sont maintenant plus vieux, donc établis. Ils croient maintenant à la hiérarchie, au respect de l’autorité et jusqu’à un certain point à la loi et l’ordre. Évidemment, en regardant les nouvelles, bon nombre d’entre eux sont convaincus que la ville est à feu et à sang. On a droit à des répliques du type « Ah c’est ben épouvantable ce qui se passe à Mourial » «  Les jeunes asteure, c’est pas comme dans mon temps » et autres clichés du genre.


La génération Y

En écoutant les discours des jeunes et en recoupant ma propre expérience, la nouvelle génération est ambitieuse, travaillante, déterminée et pleine de rêves. Ces sont des jeunes quoi, avec bien sur des particularités générationnelles, mais beaucoup moins, à mon humble avis qu’on ne veut bien le croire.

Pour moi, la génération Y, ce sont les enfants des baby-boomers. Si on regarde les politiques d’embauche des grandes entreprises et du secteur public, on a pris bien soin de mettre des quotas de jeunes pour les embauches. Au gouvernement du Québec, je crois qu’il s’agit de 30 %.  Comprenez que pour les gens de mon âge, il s’agit là d’un affront.

Nous nous sommes dit que les baby-boomers, non contents d’avoir tout pris, se sont arrangés pour passer le flambeau non pas à ceux qui suivent mais à leurs enfants. À mon humble avis, si le gouvernement embauche un finissant de l’université, c’est qu’on va en faire un fonctionnaire et le cycle de complaisance dans certains secteurs publics ne seront pas cassés.


Comment passer le flambeau

J’ai travaillé pour l’état québécois il y a quelques années. Ce fut une expérience très intéressante car j’ai assisté à un changement de génération au sein d’un département, ce qui a été très instructif. Lors de mon embauche, nous devions être environ 35-40 % de « nouveaux » à 32 ans, j’étais de loin le plus jeune de ces nouveaux. Les autres approchaient plutôt la quarantaine. Les embauches avaient commencé quelques années auparavant, peut-être cinq ans avant. Bref les nouveaux avaient tous un bon 15 ans de pratique au privé derrière la cravate. Laissez moi vous dire que même sans la pression qu’on sent dans le privé, les « jeunes » ne travaillaient pas du tout à la même vitesse que leurs ainés. Vers la fin je me souviens que les derniers « vieux » à avoir pris leur retraite étaient épuisés seulement de voir travailler les « jeunes ». C’est vous dire.

Je retiens de cette expérience qu’avant de travailler pour l’état, faire un petit séjour ailleurs fait le plus grand bien.


La génération X

Comme j’en ai déjà parlé, ma génération est spécialement allergique à la politique. Il s’agit d’une réaction épidermique, relevant presque du traumatisme. Bien sûr, lors de bouleversements sociaux, ça a des conséquences. Les réactions de mes co-générationnaires vont du pathétique au loufoque, en passant par toute la gamme possible. On a bien sur « les X » au sens où on l’entend à Québec, soit les « White Angry Young Men » qui méprisent l’état et tout ce qui en sort, sans nuances.

D’autres ont changé d’attitude depuis qu’ils ont eu quelques promotions et gagnent plus de 100 000 $/an. Pour eux, c’est moi-moi-moi je ne veux pas payer de l’impôt. On frôle presque le « Les BS si y veulent de l’argent ben qu’y fassent comme moue pis qu’y travaillent câlisse » d’Elvis Gratton.

Chez d’autres, on semble voir un refus d’en entendre parler. Toujours ce mal épidermique aux affaires politiques. Ceux là nous donnent des répliques du genre « Qu’y rentrent donc chez eux au lieu de faire chier le monde ».

On retrouve aussi ceux qui, malgré tout sont politisés, d’un côté ou de l’autre et qui ont leurs arguments, parfois valables, parfois moins.

La génération X vote peu et est particulièrement sensible à la démagogie.


Les Baby-Boomers

Ah, les baby-boomers ! Ils ont le dos bien large. Ils voulaient changer le monde, et ils l’ont changé. En fait ce sont plutôt leur ainés qui l’ont changé pour eux car ils ont toujours eu le nombre de leur côté. Les BB sont nés entre 1945 et 1965 ils ont donc rejoint le marché du travail plus ou moins entre 1965 et 1985. Mais attention, cette génération est loin d’être homogène.

Évidemment, quand on prend d’assaut le marché du travail et que toutes les portes se ferment, on n’est pas très très content. Lorsqu’on a vu apparaître des « clauses orphelin » autant dans les contrats de travail que dans les programmes sociaux, on a aussi raison d’être fâché. Lorsqu’on déverse son fiel sur les BB, c’est généralement aux plus vieux qu’on pense, soit la sous-catégorie des « lyriques » ceux qui ont tout eu et qui se sont accroché pour tout garder, au mépris de tous les autres, jeunes et vieux.

Il y a d’autres sous-groupes de BB. La fin du peloton notamment, s’est fait fourré assez solide merci. Imaginer commencer à travailler comme professionnel dans les années 1980, tout va bien, on met une entreprise prospère sur pied, on a des employés, etc. et tout à coup, BOUM ! récession, tout est perdu. Je crois que c’est pire d’avoir connu et perdu que de ne pas avoir connu. À d’autres encore on a dit de ne pas aller aux études, d’opter plutôt pour la shop. Imaginez à 30 ans, alors que nos frais fixes (maison, enfants, autos) sont au maximum, la shop ferme, sans autre shop en vue. Ça n’a pas du être très drôle non plus.


Alors ce choc des générations ?

Vous voyez que si on veut voir une guerre de générations, elle est facile à trouver. Évidemment, je me garde une petite rancœur contre la génération « Lyrique » et sa politique de la terre brulée, mais je refuse d’embarquer dans ce jeu. J’ai bien sûr réussi à mettre quelques noms et quelques visages sur ceux qui incarnent ces injustices.

Si on regarde la dette du Québec, une donnée me reste à l’esprit. Selon les données, il semblerait que la moitié de la dette se range au poste des « Déficits accumulés ». Mais si le gouvernement est en déficit, qui en profite ? N’est-ce pas ceux qui ne payent pas suffisamment d’impôt pour les services qu’ils reçoivent ? Regardez pendant quelles années les déficits ont eu lieu. Les baisses d’impôt des libéraux, à qui profitent-elles le plus ? Une génération ne s’apprête-t-elle pas à prendre sa retraite sans jamais avoir payé complètement sa « juste part ». Si on veut pointer des doigts vers une génération, il est bien facile de le faire.

Mais comme disait mon ami Claude, je refuse de jouer le jeu de la division. C’est ce que le gouvernement tente de faire pour se faire réélire. Nous devons nous unir et nous tenir debout face à la division. N’avez-vous pas des cousins, des oncles, des tantes, des neveux et des nièces que vous aimez ? Chaque génération a eu ses moments difficiles et lorsqu’une crise économique frappe, elle fait habituellement peu de  distinction entre les uns et les autres.

Le problème, c’est la tendance prise par les gouvernement fédéral et du Québec de diminuer les services, diminuer les impôts, privatiser les fleurons de l’état et faire payer à tous le même prix pour recevoir des services. Il s’agit d’un grave retour en arrière. Je ne veux pas que les enfants des régions ne s’endettent à outrance pour pouvoir étudier. Je ne veux pas qu’une mère monoparentale renonce à ses cours du soir parce qu’elle n’a pas les moyens de les payer. Je ne veux pas de taxe santé fixe. Je ne veux pas payer pour une route privée pour les minières dans le nord. Je ne veux pas d’exemption de la taxe sur le capital. Je veux des impôts progressifs pour tout le monde. Je veux que l’argent gagné sans travailler (intérêts, gains de capital et dividendes) soit imposé à 100 %, comme l’argent gagné en travaillant.

C’est simple non, je veux une société équitable, dans laquelle on a l’égalité des chances et un support en cas de difficultés. Je veux un monde meilleur pour mes enfants.  Pas vous ?

lundi 4 juin 2012

Quoi penser du conflit social en cours ?


Un autre billet

Vous avez été plusieurs à lire mon billet précédent. Je vous en remercie. Je n’ai reçu que des messages d’encouragement de votre part. J’ignore si j’en ai mis en tabarouette mais bon, pas de nouvelles bonnes nouvelles à ce qu’on dit.

Je vais donc récidiver en contribuant mon grain de sel au débat en cours et en espérant sortir quelques uns de mes amis de leur torpeur. Il m’est très étrange de voir certaines gens reprendre de drôles d’arguments pour prendre la part du gouvernement dans le débat. Ça m’en hérisse parfois le poil sur les bras. Avant de parler de tout ça, voyons un peu ma perception de l’état et de son rôle, ce que j’appelais dans un billet précédemment le « Deal » au Québec.


Le monde que je veux laisser à mes enfants

Comme je vous disais, je viens d’un milieu modeste. Non pas que je n’aie déjà manqué de quoi que ce soit. J’ai la chance d’avoir, comme tout le monde certains talents et la malchance de ne pas en avoir d’autres. Par chance, mes talents m’ont permis de devenir un professionnel accompli et de contribuer, je l’espère, plus que la moyenne à la société.

Je crois donc en l’égalité des chances, à l’accès pour tous à des moyens de développer leurs talents et ainsi de contribuer à la société du mieux qu’il leur est possible. Je crois aussi que tout n’est pas toujours rose. Comme société, on doit laisser une place aux moins chanceux, aux plus faibles.

Je crois en un monde meilleur et je crois qu’il est notre devoir – comme ceux avant nous – de laisser à nos enfants une meilleure société que celle qui nous a vu grandir.

La plupart d’entre vous, comme moi, avez des enfants. Ces derniers ont certainement créé dans votre ventre une « zone de mou » jusque là inconnue et comme moi, vous feriez tout pour eux. Ce qui nous amène à la question centrale qui émerge de ce débat et qui en est partiellement la cause :


Dans quel monde (ou société) voulons-nous vivre ?

Mon chum Pic, a bien choisi son camp. Je trouve son camp est bien triste. Peut-être parce qu’il habite au Canada [hors Québec] depuis trop longtemps, mais depuis qu’il gagne plus de 100 000 $ par an, sa vision d’un monde meilleur est disons, meilleure pour lui seulement : les québécois sont des niaiseux, un ti-peuple, on paye trop d’impôt pour des services pas bons et il est contre la souveraineté parce que ça pourrait affecter le rendement de ses placements, etc.

J’ignore pour vous, mais je trouve cette façon de voir le monde vraiment mais vraiment pathétique.De mon côté, je continue pourtant de croire que mon modèle social est non seulement souhaitable et possible mais viable à long terme. J’aurais pourtant milles raisons d’être désillusionné et amer. J’ai toutefois choisi que je ne laisserais pas mes épreuves personnelles m’aigrir et me faire perdre mes idéaux.


Vieillir, ce processus normal qui nous affecte tous

Pour faire une petite parenthèse, je dis parfois (à tort ou à raison) qu’il ne peut nous arriver que deux choses en vieillissant : nous devenons soit zen (le terme n’est pas tout à fait exact mais je n’en ai pas trouvé de meilleur à date) ou nous devenons amers. On a toujours le chix de ce qui va nous arriver. Mais avez-vous vraiment envie de passer les 50-60 prochaines années en « Christ » ? Moi non plus.

C’est sans compter qu’en vieillissant, deux choses nous arrivent naturellement. Premièrement, notre cerveau a tendance à ne garder que les bons souvenirs (même s’il ne faut pas généraliser). C’est pourquoi les études sont habituellement perçues comme une période bucolique, de fête et d’absence de soucis. Nous avons tendance à oublier la précarité financière, les nuits blanches à étudier, terminer un projet ou un travail de classe quelconque. Dur, très dur. Deuxièmement, nous devenons plus conservateur. Nous nous sommes établis dans ce monde, l’avons maitrisé et nous y sommes maintenant confortables. Tout changement est alors perçu comme une menace à nos acquis.

Utilisez un peu votre mémoire dans ce contexte et vous réaliserez probablement, comme moi, que vous aussi, voulez un monde meilleur pour vos enfants et que le changement n’est pas une menace.


La couverture des événements et de la politique de la division

Mais revenons à nos moutons. Je regarde la couverture médiatique (JdeM-TVA) des événements et surtout le comportement du gouvernement et ça me donne mal au cœur. Évidemment, il s’agit d’une conséquence de la nouvelle réalité des médias, que vous connaissez probablement. Comme les nouvelles tournent en boucle 24/7 sur plusieurs chaines et médias, on vit une chasse au scoop et au spectaculaire. C’est ce qui attire l’attention et de là, des revenus.

Malheureusement, je suis d’avis que l’avènement de l’information en continu est une mauvaise chose pour la démocratie. Premièrement, on n’analyse plus le fond. Il n’y a place que pour l’anecdotique, qui sera habituellement monté en épingle. Si on utilise les canaux politiques habituels qui consistent à présenter un programme avec ce qu’on a l’intention de faire, ce programme ne se rend plus à tout un chacun depuis belle lurette. Deuxièmement, en montrant le spectaculaire en boucle, on a l’impression que la situation est beaucoup pire qu’elle n’est en réalité. Les images en boucle des manifestations ne font-elles pas croire à plusieurs que le chaos et l’anarchie se sont installés et que la ville est à feu et à sang ? Alors qu’il n’en est rien ? Heureusement, les casseroles ont rendu ces montées en épingles beaucoup plus difficiles.

Tristement, les stratèges politiques ont su tirer parti de cette nouvelle réalité, qui joue plutôt sur le perçu et les enjeux polarisant. Les conservateurs de Stephen Harper sont les premiers au Canada à utiliser ces techniques déjà éprouvées en Angleterre, en Australie et aux Etats-Unis. Ça n’est pas nécessairement une bonne nouvelle pour la démocratie.

L’histoire se souvient des gagnants, pas de ceux qui ont mené un combat propre, ni des purs. Nous assistons aujourd’hui, par le biais de ce conflit, au premier recours à cette technique de division pour tenter de compter des points et se faire réélire. La plupart des chroniqueurs politiques en ont d’ailleurs déjà parlé.

Le conflit étudiant, a été perçu comme une occasion en or par le gouvernement libéral pour tenter de se faufiler au travers de la zizanie qu’il aura lui-même provoquée. À mon humble avis c’est d’un pathétique mais passons.

Le gouvernement de Jean Charest mise donc sur la division entre les générations pour se faire réélire. D’un côté les étudiants, présentés comme des « enfants gâtés qui boivent des pichets de lingots d’or dans des Mercedes faites de iPhones » et de l’autre côté, le gouvernement, se tenant debout devant ces fauteurs de trouble qui-veulent-faire-payer-tout-le-monde. La seule solution à la crise est donc de réélire ce gouvernement qui sera dur avec ces anarchistes-communistes-qui-mettent-la-ville-à-feu-et-à-sang afin d’éviter la chute du monde tel qu’on le connaît.

Sérieusement ? Ce qui m’attriste, c’est que bon nombre de membres de ma génération croient à cet argumentaire de merde qui mise sur notre ignorance des subtilités de la politique. Une ignorance qui, je le redis, généralisée parmi nous. Mais plus important, elle vise surtout les plus vieux. Les Baby-Boomers et leurs parents qui ne peuvent plaider l’ignorance mais qui craignent le désordre social.


On fait quoi maintenant ?

Je ne sais pas pour vous mais moi j'ai le goût de me joindre au mouvement. Chaque soir je sors avec ma casserole, je me suis acheté des bouchons parce qu'en bon ingénieur, je me suis choisi un ensemble plat-cuillère particulièrement bruyant. Je sors à 20h tous les soirs, que ce soit sur mon balcon, en petite marche autour du carré, en me joignant à la manif du quartier ou à celle de Montréal.

C'est bon pour mon âme, mon cœur et ma forme physique. Gardez une chose à l'esprit, c'est qu'un gouvernement n'est aussi fort que son acceptation par son peuple. Les Romains parlaient de "du pain et des jeux". Aucun gouvernement ne peut tenir face à son peuple debout. Alors à vos casseroles mes amis ! ni vous ni moi n'avons rien à perdre. En plus de vous impliquer socialement vous risquez de graves effets secondaires comme faire la connaissance de vos voisins, vous faire de nouveaux amis ou vous mettre en forme.

On aurait peut-être dus s'y mettre avant !


Même Bat-heure, même Bat-chaîne !

Je vous garde la suite pour une autre chronique… J’ai tellement de chose à vous dire !

Sur ce, gros french et je vous aime,

L’ingénieur,
Yanick

mardi 29 mai 2012

La génération X et le conflit social.


Ce matin en me levant, je fais ma revue de presse comme – presque – toujours, un peu via Facebook, je m’en confesse. J’ai eu mes retrouvailles de 25 ans après ma graduation de la polyvalente cette fin de semaine. Le mélange des nouvelles et de mes discussions de la fin de semaine m’ont donné le goût d’écrire aujourd’hui.

Comme vous avez sans doute pu le déduire, j’ai 42 ans. Je suis ingénieur, j’ai mon entreprise, je suis père de famille et j’ai eu l’occasion de travailler à l’étranger à quelques reprises. Disons seulement que je ne suis pas l’archétype d’un gauchiste-hippie- va-donc-te-faire-couper-les-cheveux-le-pouilleux-les-BS-s’y-veulent-de-l’argent-qu’y-fassent-comme-moué-pis-qu’y-travaillent-crisse (pour paraphraser Elvis Gratton). Malgré tout ça, j’ai envie de parler de ce qui se passe en ce moment, et de ce que ça me fait vivre.

À mon âge, je fais  partie de la génération X. Pas LES X mais la génération X. Pour ceux qui l’ignorent, le X signifiait à l’époque une génération sans nom, qui serait oubliée, que la société a abandonnée à eux même, ce qui n’est pas une première dans l’histoire. Je dis généralement que nous avons été élevés comme des baby-boomers mais qu’au moment de nos études ou de notre arrivée sur le marché du travail, ce beau rêve s’est effondré. Finies les jobs au gouvernement avec un bac. en histoire ou en socio, fini la grosse job de col bleu avec un secondaire 2 en poche. Que nous est-il donc arrivé par la suite ? Un épouvantable traumatisme collectif qui nous a fait nous cacher dans notre coin, sans plus vouloir en sortir. Chez ceux qui sont moins diplômés, ça a créé ceux qu’on appelle les WAYM (White Angry Young Men) qui carburent à la démagogie du type ADQ-CAQ et la base du fidèle public de la radio parlée de Québec.

Mon ami Tuan me faisait remarquer que lorsque nous étions aux études, nous aussi les frais de scolarité ont augmenté considérablement (je crois qu’il a plutôt parlé de quadrupler). C’est sans compter les passes que nous nous sommes fait faire par le régime de prêts et bourses. Qu’avons-nous fait ? Rien, bien sûr. Nous sommes restés sur notre jambon, à subir, notre traumatisme collectif nous rendant allergiques à la mobilisation et au militantisme… et qu’arrive-t-il quand on ne fait rien en démocratie ? Eh ben on finit par se faire fourrer, et c’est ce qui nous est arrivé.

Mais parlons un peu des prêts et bourses et de la grave iniquité qu’ils créent. Aujourd’hui, environ 90% de la population est urbaine. Le premier, j’habite aujourd’hui Montréal. Je pourrais habiter Québec ou Sherbrooke comme beaucoup de mes vieux potes de la polyvalente que ce serait pareil. Mais je viens de la campagne. Non, pas de Québec, d’une petite ville ni d’un village. Je viens d’un rang. Mon père avait une terre et l’argent ne lui sortait pas par les oreilles. Pour étudier, j’ai donc du m’exiler, comme tant d’autres.

La plupart de mes anciens potes de la polyvalente ont eu recours comme moi au régime des prêts et bourses. En clair, ça signifie qu’à la fin de nos études nous avions des dettes d’entre 15 et 25 000 $. C’est peu me direz vous, comparé aux 40-50 000 $ d’aujourd’hui ? Effectivement, mais souvenez vous que nous payions environ 9 % d’intérêt à l’époque et, comme je l’ai mentionné plus tôt, le marché de l’emploi s’est fermé devant nous. Ainsi, bon nombre d’entre nous nous sommes retrouvés avec des paiements de 4-500 $ par mois, en gagnant 20 000 $ par an en travaillant à des jobines. Assez ordinaire comme début de la vie adulte. Sentiment d’injustice, traumatisme intergénérationnel renforcé. Pour en remettre, c’est aussi à cette époque que nous avons vu l’apparition des clauses « orphelin » dans les conventions collectives et je pourrais continuer longtemps comme ça.

Mais surtout, j’ai connu des gens qui viennent par exemple de Longueuil et qui ont fait leurs études à Montréal, en habitant chez leurs parents. Ils n’avaient pas ce boulet, eux, en entrant sur le marché du travail. Généralement aussi, ils se sont « établis » beaucoup plus rapidement. À mon avis, ce boulet des prêts est la pire chose qu’on peut faire à quelqu’un qui commence dans la vie.

Alors quand j’entends des propositions comme la fameuse histoire du remboursement proportionnel aux revenus bla bla bla, ça me glace un peu le sang tout ça. Pour moi, le meilleur remboursement des services reçus par l’état s’appelle l’impôt sur le revenu. Point. Croyez-moi j’en ai payé beaucoup, j’en paye beaucoup et j’ai encore l’intention d’en payer beaucoup de l’impôt. Vous savez quoi ? ça me fait plaisir d’en payer. Pourquoi ? parce que c’est ça le deal au Québec, on s’entraide, on a des services et on paye tous pour selon notre capacité.

Pourquoi est-ce que je vous raconte tout ça ? Comme vous je vois l’actualité. Beaucoup de gens de ma génération, de leur petit confort chèrement acquis regardent ce qui se passe et ont succombé à l’argumentaire du Journal de Montréal et autres et je me dis : « Non ». Les gens dans la rue ne font que ce que nous n’avons pas eu le courage de faire. Quelque chose qui aurait du être fait depuis longtemps, se battre pour rendre les études supérieures à tous, peu importe leur origine, c’est ça – me faisait remarque mon ami Patrick –le deal au Québec aussi depuis 50 ans.

Le Québec est endetté ? Nous sommes en déficit ? Pourquoi avez-vous autant baissé les impôts alors ? Pour être bien certains que la génération qui me précède n’aura jamais payé pleinement pour les services qu’elle a reçu – souvenez-vous des années où les déficits était permanents – et qu’ils continueront à recevoir des services de l’état pendant encore plusieurs années, sur le dos des plus jeunes, et s’assurent que la caisse sera bien vide après eux.

Je vois les jeunes dans la rue et je leur dis « Bravo ! » battez-vous pour un monde meilleur, nous, on ne l’a pas fait. Nous devons cesser cette politique de la tarification des service de l’état qui est ni plus, ni moins, qu’une « Flat Tax » déguisée pendant qu’on baisse les impôts. L’impôt sur le revenu est et devrait continuer d’être la principale mesure de financement des services publics, qui eux devraient être universels. Depuis trop longtemps cette démarche d’anti-Robin-des-Bois est en marche. La « juste part » de Raymond Bachand devrait plutôt s’appeler l’ « injuste part ». La juste part, c’est quand les services de l’état sont vraiment universels et financés par un impôt progressif.

Continuez de vous battre, les casseroles viendront à bout du régime. En tous cas, je l’espère, j’en rêve.

L'ingénieur,
Yanick Vaillancourt