lundi 4 juin 2012

Quoi penser du conflit social en cours ?


Un autre billet

Vous avez été plusieurs à lire mon billet précédent. Je vous en remercie. Je n’ai reçu que des messages d’encouragement de votre part. J’ignore si j’en ai mis en tabarouette mais bon, pas de nouvelles bonnes nouvelles à ce qu’on dit.

Je vais donc récidiver en contribuant mon grain de sel au débat en cours et en espérant sortir quelques uns de mes amis de leur torpeur. Il m’est très étrange de voir certaines gens reprendre de drôles d’arguments pour prendre la part du gouvernement dans le débat. Ça m’en hérisse parfois le poil sur les bras. Avant de parler de tout ça, voyons un peu ma perception de l’état et de son rôle, ce que j’appelais dans un billet précédemment le « Deal » au Québec.


Le monde que je veux laisser à mes enfants

Comme je vous disais, je viens d’un milieu modeste. Non pas que je n’aie déjà manqué de quoi que ce soit. J’ai la chance d’avoir, comme tout le monde certains talents et la malchance de ne pas en avoir d’autres. Par chance, mes talents m’ont permis de devenir un professionnel accompli et de contribuer, je l’espère, plus que la moyenne à la société.

Je crois donc en l’égalité des chances, à l’accès pour tous à des moyens de développer leurs talents et ainsi de contribuer à la société du mieux qu’il leur est possible. Je crois aussi que tout n’est pas toujours rose. Comme société, on doit laisser une place aux moins chanceux, aux plus faibles.

Je crois en un monde meilleur et je crois qu’il est notre devoir – comme ceux avant nous – de laisser à nos enfants une meilleure société que celle qui nous a vu grandir.

La plupart d’entre vous, comme moi, avez des enfants. Ces derniers ont certainement créé dans votre ventre une « zone de mou » jusque là inconnue et comme moi, vous feriez tout pour eux. Ce qui nous amène à la question centrale qui émerge de ce débat et qui en est partiellement la cause :


Dans quel monde (ou société) voulons-nous vivre ?

Mon chum Pic, a bien choisi son camp. Je trouve son camp est bien triste. Peut-être parce qu’il habite au Canada [hors Québec] depuis trop longtemps, mais depuis qu’il gagne plus de 100 000 $ par an, sa vision d’un monde meilleur est disons, meilleure pour lui seulement : les québécois sont des niaiseux, un ti-peuple, on paye trop d’impôt pour des services pas bons et il est contre la souveraineté parce que ça pourrait affecter le rendement de ses placements, etc.

J’ignore pour vous, mais je trouve cette façon de voir le monde vraiment mais vraiment pathétique.De mon côté, je continue pourtant de croire que mon modèle social est non seulement souhaitable et possible mais viable à long terme. J’aurais pourtant milles raisons d’être désillusionné et amer. J’ai toutefois choisi que je ne laisserais pas mes épreuves personnelles m’aigrir et me faire perdre mes idéaux.


Vieillir, ce processus normal qui nous affecte tous

Pour faire une petite parenthèse, je dis parfois (à tort ou à raison) qu’il ne peut nous arriver que deux choses en vieillissant : nous devenons soit zen (le terme n’est pas tout à fait exact mais je n’en ai pas trouvé de meilleur à date) ou nous devenons amers. On a toujours le chix de ce qui va nous arriver. Mais avez-vous vraiment envie de passer les 50-60 prochaines années en « Christ » ? Moi non plus.

C’est sans compter qu’en vieillissant, deux choses nous arrivent naturellement. Premièrement, notre cerveau a tendance à ne garder que les bons souvenirs (même s’il ne faut pas généraliser). C’est pourquoi les études sont habituellement perçues comme une période bucolique, de fête et d’absence de soucis. Nous avons tendance à oublier la précarité financière, les nuits blanches à étudier, terminer un projet ou un travail de classe quelconque. Dur, très dur. Deuxièmement, nous devenons plus conservateur. Nous nous sommes établis dans ce monde, l’avons maitrisé et nous y sommes maintenant confortables. Tout changement est alors perçu comme une menace à nos acquis.

Utilisez un peu votre mémoire dans ce contexte et vous réaliserez probablement, comme moi, que vous aussi, voulez un monde meilleur pour vos enfants et que le changement n’est pas une menace.


La couverture des événements et de la politique de la division

Mais revenons à nos moutons. Je regarde la couverture médiatique (JdeM-TVA) des événements et surtout le comportement du gouvernement et ça me donne mal au cœur. Évidemment, il s’agit d’une conséquence de la nouvelle réalité des médias, que vous connaissez probablement. Comme les nouvelles tournent en boucle 24/7 sur plusieurs chaines et médias, on vit une chasse au scoop et au spectaculaire. C’est ce qui attire l’attention et de là, des revenus.

Malheureusement, je suis d’avis que l’avènement de l’information en continu est une mauvaise chose pour la démocratie. Premièrement, on n’analyse plus le fond. Il n’y a place que pour l’anecdotique, qui sera habituellement monté en épingle. Si on utilise les canaux politiques habituels qui consistent à présenter un programme avec ce qu’on a l’intention de faire, ce programme ne se rend plus à tout un chacun depuis belle lurette. Deuxièmement, en montrant le spectaculaire en boucle, on a l’impression que la situation est beaucoup pire qu’elle n’est en réalité. Les images en boucle des manifestations ne font-elles pas croire à plusieurs que le chaos et l’anarchie se sont installés et que la ville est à feu et à sang ? Alors qu’il n’en est rien ? Heureusement, les casseroles ont rendu ces montées en épingles beaucoup plus difficiles.

Tristement, les stratèges politiques ont su tirer parti de cette nouvelle réalité, qui joue plutôt sur le perçu et les enjeux polarisant. Les conservateurs de Stephen Harper sont les premiers au Canada à utiliser ces techniques déjà éprouvées en Angleterre, en Australie et aux Etats-Unis. Ça n’est pas nécessairement une bonne nouvelle pour la démocratie.

L’histoire se souvient des gagnants, pas de ceux qui ont mené un combat propre, ni des purs. Nous assistons aujourd’hui, par le biais de ce conflit, au premier recours à cette technique de division pour tenter de compter des points et se faire réélire. La plupart des chroniqueurs politiques en ont d’ailleurs déjà parlé.

Le conflit étudiant, a été perçu comme une occasion en or par le gouvernement libéral pour tenter de se faufiler au travers de la zizanie qu’il aura lui-même provoquée. À mon humble avis c’est d’un pathétique mais passons.

Le gouvernement de Jean Charest mise donc sur la division entre les générations pour se faire réélire. D’un côté les étudiants, présentés comme des « enfants gâtés qui boivent des pichets de lingots d’or dans des Mercedes faites de iPhones » et de l’autre côté, le gouvernement, se tenant debout devant ces fauteurs de trouble qui-veulent-faire-payer-tout-le-monde. La seule solution à la crise est donc de réélire ce gouvernement qui sera dur avec ces anarchistes-communistes-qui-mettent-la-ville-à-feu-et-à-sang afin d’éviter la chute du monde tel qu’on le connaît.

Sérieusement ? Ce qui m’attriste, c’est que bon nombre de membres de ma génération croient à cet argumentaire de merde qui mise sur notre ignorance des subtilités de la politique. Une ignorance qui, je le redis, généralisée parmi nous. Mais plus important, elle vise surtout les plus vieux. Les Baby-Boomers et leurs parents qui ne peuvent plaider l’ignorance mais qui craignent le désordre social.


On fait quoi maintenant ?

Je ne sais pas pour vous mais moi j'ai le goût de me joindre au mouvement. Chaque soir je sors avec ma casserole, je me suis acheté des bouchons parce qu'en bon ingénieur, je me suis choisi un ensemble plat-cuillère particulièrement bruyant. Je sors à 20h tous les soirs, que ce soit sur mon balcon, en petite marche autour du carré, en me joignant à la manif du quartier ou à celle de Montréal.

C'est bon pour mon âme, mon cœur et ma forme physique. Gardez une chose à l'esprit, c'est qu'un gouvernement n'est aussi fort que son acceptation par son peuple. Les Romains parlaient de "du pain et des jeux". Aucun gouvernement ne peut tenir face à son peuple debout. Alors à vos casseroles mes amis ! ni vous ni moi n'avons rien à perdre. En plus de vous impliquer socialement vous risquez de graves effets secondaires comme faire la connaissance de vos voisins, vous faire de nouveaux amis ou vous mettre en forme.

On aurait peut-être dus s'y mettre avant !


Même Bat-heure, même Bat-chaîne !

Je vous garde la suite pour une autre chronique… J’ai tellement de chose à vous dire !

Sur ce, gros french et je vous aime,

L’ingénieur,
Yanick

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